L'album aux souvenirs du château de la Voisine
CETTE SEMAINE avant France - Irlande est un peu particulière. Elle marque les adieux du XV de France au château de la Voisine à Clairefontaine (Yvelines). A l'automne, les Tricolores inaugureront le Centre technique national de Marcoussis (Essonne). Depuis 1980, les rugbymen tricolores ont l'habitude de préparer les rencontres du Tournoi à Clairefontaine. « Au départ, il s'agissait d'un coup d'essai, se souvient Christian Carrère, capitaine de l'équipe de France lors du premier Grand Chelem en 1968 et directeur national des relations publiques de Pernod Ricard à qui appartient le domaine. Jusque-là, l'équipe était logée à Rueil-Malmaison (une propriété appartenant à la société Shell). Invité pour une partie de chasse, Albert Ferrasse, le président d'alors de la FFR, a été séduit. L'essai fut concluant, car nous sommes encore là. » Sous l'autorité de Christian Carrère puis de Benoît Dauga, l'ancien deuxième ligne aux 63 sélections, la maison des Bleus a été tenue avec fermeté et élégance. En fin de saison, les deux compères laisseront définitivement les clefs du domaine non sans avoir organisé avant leur départ une fête géante, le 7 juin, la veille de la finale du championnat de France où tous les capitaines, entraîneurs et présidents passés à la Voisine seront conviés. Ce duo de légende partira avec des tonnes de souvenirs, fruit de vingt-deux ans passés dans l'intimité des Bleus. Morceaux choisis. « Du temps de Jacques Fouroux, se remémore Dauga, c'était joyeux, animé mais un peu bordélique. Personne ne venait à table à la même heure, les joueurs partaient en footing, à l'entraînement, dans le centre du village. C'était une autre époque, ils étaient amateurs. Je me souviens d'une année où le même Fouroux, fâché avec une partie de la presse, avait instauré un code d'accès avec cartons jaunes, bleus et rouges. Les journalistes en jaune pouvaient entrer et poser des questions, ceux en bleu avaient droit à un service minimum, quant à ceux en rouge, c'était silence radio et interdiction de séjour. J'ai vite dû mettre le holà. » Dauga encore. « A l'époque d'Ondarts, Garuet et Dintrans, il y avait séance casse-croûte à la ferme (à l'entrée du domaine). Avec foie gras et confits amenés par des copains restaurateurs. »
Carrère séquestré dans le salon
Les anecdotes foisonnent. « Une autre fois, raconte le Grand Ferré, Imbernon avait menacé de rentrer à Perpignan, car le vin rouge et le camembert avaient disparu. Du coup, le calendos circulait sous les nappes. » Comment passer sous silence le jour où Laurent Pardo voulant suivre en promenade Roland Bertranne, remarquable cavalier, était resté accroché aux branches d'un arbre en forêt ou encore l'époque des bizutages, où les nouveaux capés retrouvaient une tête de cerf ou de sanglier dans leur lit. Dauga n'a pas oublié le matin où le jardinier le réveillait en lui murmurant « Monsieur, je crois que le capot de votre voiture est encore chaud. » Mesnel et Lafond, les gais lurons du show bizz, en avaient profité pour une escapade nocturne dans la capitale. Dans la verdure, certains s'adonnaient au golf à Rochefort ou à la pêche à la carpe dans l'étang comme Califano ou Ibañez. En fouillant dans sa mémoire, Carrère, alors vice-président de la Fédération, se rappelle même avoir été séquestré dans le salon du château, le 17 octobre 1991, à la veille du quart de finale de Coupe du monde France - Angleterre. « Si vous ne payez pas, nous ne jouerons pas », martelaient Blanco et Mesnel, porte-parole du XV de France. Les joueurs réclamaient une prime de 7 000 F (1 067 ?). Pour la petite histoire, c'est Serge Kampf, le mécène grenoblois, qui signera finalement les chèques. Agé de 60 ans, Dauga, qui partira en retraite fin mai, chez lui à Artassenx, à côté de Mont-de-Marsan, en rigole encore...
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