Sunday, June 19, 2022

 

Article Sud Ouest 4/12/2012


Le pèlerin mise sur un miracle commercial



Henri Daguerre à l'intérieur d'un container en bois censé                           accueillir les pèlerins


Une société basque a imaginé des abris en bois destinés aux pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Une idée originale qui pourrait rapporter gros.

Henri Daguerre est un drôle de pèlerin. L'ancien maire d'Ainhoa (64) a parcouru pendant 63 jours le mythique Camino francés (chemin français) entre Zubiri, en Navarre, et Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice. L'occasion de faire le bilan de sa vie en usant les semelles de ses chaussures ? Que nenni. Car ce commercial a troqué le bâton de pèlerin pour un attaché-case et a avalé 700 kilomètres du chemin de Saint-Jacques au volant d'un poids lourd.

« Ce fut une expérience incroyable. J'ai rencontré des centaines de marcheurs qui voulaient donner du sens à leur vie », s'enthousiasme ce businessman qui, lui, préfère donner du sens au compte en banque de Vita Construction, constructeur basé à Saint-Pierre-d'Irube. Cette société du Pays basque français s'est alliée avec une homologue de Biscaye, Egoin (prononcez Egoïn), pour imaginer un projet un peu fou : construire des bungalows en bois, en forme de container, pouvant abriter les marcheurs du chemin jacquaire. Des boîtes de conserve écolos parfaitement isolées, de 5 mètres de long sur 3 de large, avec tout le confort nécessaire pour recharger les mollets : douche, lavabo, toilettes, bureau, lits.

« Nous avons imaginé un module facilement constructible et transportable. Le but, c'est de le vendre dans tous les villages traversés par le chemin de Saint-Jacques », annonce Henri Daguerre, qui a presque été reçu comme le Messie pendant son pèlerinage commercial : « Les structures d'accueil sont insuffisantes sur le chemin. Il y a un vrai potentiel. » On comprend mieux pourquoi les mairies et les particuliers cherchent à mieux exploiter le potentiel touristique du chemin. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 200 000 pèlerins débarquent chaque année à Saint-Jacques-de-Compostelle. Chaque soir, les villages accueillent entre 300 et 400 pèlerins en moyenne. « Mais il n'y a pas assez d'hôtels ou d'albergues (gîtes) pour accueillir tout le monde », complète le commercial de Vita Construction.

Comme les Formule 1

Henri Daguerre a trouvé la solution : proposer des containers en bois parfaitement adaptés aux pèlerins épuisés. Des modules vendus 15 000 € l'unité, alors que la fabrication s'élève à 12 000 €. Une marge maigre comme un pèlerin sans pain qui ne permettra pas à l'entreprise de s'engraisser avant quelques années. Et ce, même en vendant des bungalows comme des churros. Henri Daguerre sourit : « Le but est de créer une chaîne (Santiago Punto) tout le long du chemin, l'équivalent des Formule 1 pour les hôtels. Les pèlerins pourront réserver leur lit par téléphone ou sur Internet. » Un business qui pourra s'avérer aussi juteux qu'une ampoule après une journée de marche, puisque la société récupérera 10 % du prix de la nuitée (40 € par personne).

Le temps où les pèlerins dormaient dans des abris de pierre ou au bord du chemin en mangeant des fruits secs est révolu : « Au bout de trois nuits en gîte, la plupart des touristes ont envie d'un peu de confort sans pour autant dépenser trop d'argent dans les hôtels ou les taxis. C'est ce qu'ils pourront faire dans nos bungalows construits avec des pins du Pays basque Sud. » Une étude de marché a été faite par l'ancien maire d'Ainhoa : 70 % des pèlerins auraient le portefeuille assez garni pour se payer des nuits dans les containers en bois. « Il y a de plus en plus de retraités qui cherchent un minimum de confort. J'ai d'ailleurs été frappé par le nombre de femmes divorcées qui parcouraient le chemin. »

Grâce à son repérage estival, Henri Daguerre a déjà récolté 260 contrats de réservation. Et il livre son premier parallélépipède à Zirauki (Navarre) dans quelques jours : « La plupart des clients sont des particuliers qui possèdent déjà des gîtes ou des hôtels. Ils sont prêts à investir dans ces bungalows pour élargir leur clientèle. La crise sévit partout en Espagne, mais pas sur le chemin de Saint-Jacques. » Un petit miracle économique que le constructeur basque espère bien exploiter.

Côté français, le marché semble un peu moins accueillant, déjà bien encombré avec les chambres d'hôtes et les campings. « Mais il y a déjà un gros potentiel en Espagne avec le Camino francés ou le Camino primitevo », parie Henri Daguerre, qui promet de revenir dans quelques années sur le chemin comme simple pèlerin. « Mais pas à pied. Trop fatigant. J'opterai peut-être pour le pottok (cheval basque). »


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